Graines de rêves - Dominique Cornet
Graines de rêves
Au fond d’un chemin creux
Un enfant culottes courtes assis
Devant lui des langues d’argiles
Sculptées par d’anciennes pluies
Sous la pellicule sèche
De vastes plages blondes
Immenses terrains vagues
L’enfant semble absent
Vacuité
Vacuité nécessaire
Absorbé dans un monde immobile
L’enfant joue
Du doigt il met à nu les ocres
Il dessine
Il écrit
Du plat de la main
Il efface l’ardoise douce
Et recommence
Il forge son bagage
Viatique de souvenirs à naître
De voyages à venir
De rencontres
De poèmes à lire
A écrire peut-être
L’immobilité de l’enfant est un leurre
Le temps ni l’espace ne lui sont comptés
La poussière blonde au creux de la main coule
Douce à la peau à la paume
Caresse
Passe dans la main lentement
Puis dans l’autre
Et à nouveau
Sablier
Sablier de l’enfance
Sablier des rêves égrenés
Vivaces
Sur sa peau
La douceur du limon
Caresse à l’ancre des terres intimes
La poussière blonde au creux des mains coule
***
Sur la rive opposée
Si proches
Les saules frissonnants
Dont l’ombre penchée
Fiance les eaux
L’enfant contemple
Au revers faïencé du courant
Des frissonnements fugaces
Des écorchures éphémères
Qui cicatrisent à l’instant
Images confuses et mouvantes
Vitrail aux cernes souples
De plomb ductile
Géométrisant des perspectives aléatoires
Territoires flexibles provisoires
De constellations aquatiques
Les eaux parfois reflètent
Des squelettes d’arbres
Le courant les cajole et les fait onduler
Il donne l’illusion
Qu’ils sont encore vivants
Qui de l’arbre ou de l’eau
Dans la fragmentation des reflets
Pousse
Pulse
Absorbe
Qui de l’arbre ou de l’eau
Trouble l’autre
Quand une goutte tombée
Suffit à chiffonner le monde
Corps disloqués
Outrance des salves lumineuses
Fluides comme des parcelles de désir
A la brisure des galènes
***
Enfant
D’argile de chair d’eau
Il sait maintenant
La mouvance de ses traits
La douceur possible des frontières
La porosité de la peau
Les caresses
Il sait
Le reflet des nuages bousculés à l’étrave
D’une feuille dodelinant au gré du fleuve
La goutte d’eau qui froisse l’entier du monde
Et le refait
Il sait
La barque insoumise des rêves
La plénitude de la vacuité
Les alcôves du silence
Il sait
Le calme apparent
La violence tapie
Il se lève